
Le mariage juif est célébré sous la houppa, dais nuptial qui symbolise le foyer que construisent les époux. Cette cérémonie millénaire combine rituel religieux et contrat juridique à travers la ketouba. En France, environ 3 000 mariages juifs sont célébrés chaque année1. Ce guide détaille les conditions, le déroulement et les traditions pour comprendre et préparer cette cérémonie riche en symboles.
Rappel légal : En France, le mariage civil doit obligatoirement précéder le mariage religieux. Le rabbin demandera le certificat de mariage civil avant de célébrer la cérémonie sous la houppa.
Les conditions du mariage juif
La règle fondamentale : être juif selon la Halakha
Pour se marier religieusement dans le judaïsme, les deux époux doivent être juifs selon la loi juive (Halakha). Est considéré comme juif :
- Toute personne née d'une mère juive
- Toute personne convertie au judaïsme selon les règles halakhiques
Important : La judéité par le père seul n'est pas reconnue par le judaïsme orthodoxe et consistorial en France. Les courants libéraux (Reform, Massorti) ont des positions plus ouvertes.
La conversion
Si l'un des futurs époux n'est pas juif, une conversion est généralement requise. Le processus de conversion (guiyour) est long et exigeant :
- Durée : 1 à 3 ans minimum
- Études religieuses approfondies
- Adoption d'un mode de vie juif (Shabbat, cacherout, fêtes)
- Passage devant un Beth Din (tribunal rabbinique)
- Pour les hommes : circoncision (brit milah)
- Immersion au mikvé (bain rituel)
Cas des divorces
Un Juif divorcé civilement doit également obtenir un guet (divorce religieux) pour pouvoir se remarier religieusement. Sans guet, un second mariage religieux n'est pas possible selon la Halakha.
Les documents requis
- Certificat de mariage civil
- Preuves de judéité (ketouba des parents, certificat de Beth Din)
- Certificat de guet si divorce antérieur
- Pièces d'identité
Les étapes avant la cérémonie
Le contact avec le rabbinat
Contactez le rabbinat de votre communauté 6 à 12 mois avant la date souhaitée. En France, le Consistoire central coordonne les mariages pour les communautés orthodoxes. Les communautés libérales (MJLF, Massorti) ont leurs propres rabbins.
La préparation avec le rabbin
Plusieurs rencontres avec le rabbin permettent de :
- Vérifier les conditions de judéité
- Préparer les aspects spirituels du mariage
- Expliquer le sens des rituels
- Organiser la cérémonie pratique
La rédaction de la ketouba
La ketouba est le contrat de mariage juif. Rédigé en araméen, il détaille :
- Les obligations du mari envers sa femme
- L'engagement à la nourrir, la vêtir et l'honorer
- La somme due en cas de divorce ou de décès (traditionnellement 200 zouzim)
Aujourd'hui, la ketouba est souvent un objet d'art calligraphié et enluminé que les couples encadrent. Comptez 100 à 500€ pour une ketouba décorée.
Les témoins (Edim)
Deux témoins juifs pratiquants (hommes dans la tradition orthodoxe) sont requis pour :
- Signer la ketouba
- Attester de la validité du mariage
Ils ne doivent pas être apparentés aux mariés ni entre eux.
Le déroulement de la cérémonie
La cérémonie juive dure 20 à 40 minutes et se déroule sous la houppa. Elle peut avoir lieu à la synagogue, en extérieur ou dans une salle.
1. Le jeûne des mariés
Traditionnellement, les mariés jeûnent le jour du mariage jusqu'à la fin de la cérémonie. Ce jeûne symbolise le pardon des fautes passées et le nouveau départ.
2. Le badeken (voilage de la mariée)
Avant la cérémonie, le marié vient voiler sa future épouse en présence des familles. Ce rituel rappelle l'histoire de Jacob trompé par Laban : en voilant lui-même Rebecca, Jacob s'assure d'épouser la bonne personne.
3. L'entrée sous la houppa
La houppa est le dais nuptial, souvent un talith (châle de prière) tendu sur quatre piquets. Elle symbolise le foyer que construisent les époux et l'hospitalité d'Abraham.
Ordre d'entrée traditionnel :
- Le marié, accompagné de ses parents
- La mariée, accompagnée de ses parents
- La mariée effectue 7 tours (hakafot) autour du marié
Les 7 tours symbolisent les 7 jours de la création ou les 7 fois où la Torah mentionne "quand un homme prend une femme".
4. Les bénédictions sur le vin (Kiddoushin)
Le rabbin récite la bénédiction sur une première coupe de vin. Les mariés boivent tour à tour.
5. La remise de l'alliance
Le marié passe l'alliance au doigt de la mariée (index de la main droite traditionnellement) en prononçant :
"Harei at mekoudeshet li bétaba'at zo kédat Moshé véIsrael" (Par cette alliance, tu m'es consacrée selon la loi de Moïse et d'Israël)
L'alliance doit être un anneau simple, sans pierre, pour que sa valeur soit clairement identifiable.
6. La lecture de la ketouba
La ketouba est lue publiquement en araméen (parfois avec traduction). Elle est ensuite remise à la mariée — c'est son document, sa protection.
7. Les sept bénédictions (Sheva Brachot)
Sept bénédictions sont récitées sur une seconde coupe de vin, louant Dieu pour la création, l'humanité, Jérusalem et le bonheur du couple. Ces bénédictions peuvent être réparties entre plusieurs personnes honorées.
8. Le bris du verre
Le marié brise un verre sous son pied droit. Ce geste rappelle la destruction du Temple de Jérusalem : même dans la joie, on garde mémoire des épreuves.
L'assemblée crie alors "Mazal Tov !" (Bonne chance / Félicitations).
9. Le Yihoud
Immédiatement après la cérémonie, les mariés se retirent dans une pièce privée (yihoud) pendant quelques minutes. C'est leur premier moment d'intimité en tant qu'époux. Ils rompent traditionnellement le jeûne ensemble.
Les symboles et leur signification
| Symbole | Signification |
|---|---|
| Houppa | Le foyer, l'hospitalité, le ciel comme toit (humilité devant Dieu) |
| Ketouba | Protection de la femme, engagement contractuel |
| 7 tours | Création du monde, murailles protectrices autour du couple |
| Alliance simple | Valeur claire, engagement sans artifice |
| Verre brisé | Mémoire de la destruction du Temple, fragilité du bonheur |
| Vin | Joie, sanctification |
| Yihoud | Intimité du couple, consommation symbolique du mariage |
Variations selon les communautés
Traditions ashkénazes
- Les deux mères accompagnent généralement les mariés sous la houppa
- Le badeken est très solennel
- Musique klezmer traditionnelle pour la fête
Traditions séfarades
- Chants liturgiques spécifiques (piyyoutim)
- Henné souvent célébré quelques jours avant (tradition d'Afrique du Nord)
- Sept jours de festivités (sheva brachot) plus élaborés
Communautés libérales
- Plus de souplesse sur la participation des femmes (témoins, lectures)
- Alliance parfois échangée dans les deux sens
- Ketouba égalitaire possible
Les festivités après la cérémonie
La Seouda (repas de noces)
Le repas de mariage juif est une mitsva (commandement). Il comprend traditionnellement :
- Pain (motsi) et sel
- Vin pour les bénédictions
- Plats festifs (selon les traditions : couscous séfarade, carpe farcie ashkénaze...)
Musique et danses
- Hora : danse en cercle où les mariés sont portés sur des chaises
- Mezinka : danse spéciale pour les parents qui marient leur dernier enfant
- Musique traditionnelle (klezmer, piyyoutim, musique orientale selon les origines)
Les Sheva Brachot
Pendant les sept jours suivant le mariage, des repas sont organisés en l'honneur des mariés. À chaque repas avec au moins dix personnes dont un nouvel invité, les sept bénédictions sont répétées. C'est une semaine de célébration continue.
Dress code
Pour la mariée
- Robe blanche traditionnellement (symbole de pureté)
- Voile obligatoire pour la cérémonie (badeken)
- Longueur et couverture selon le niveau de pratique de la communauté
- Dans les communautés orthodoxes : épaules et bras couverts, décolleté sobre
Pour le marié
- Costume classique ou smoking
- Kittel : robe blanche portée par-dessus dans certaines traditions ashkénazes (symbole de pureté, même vêtement que pour Yom Kippour)
- Kippa obligatoire
Pour les invités
Hommes :
- Kippa obligatoire pendant la cérémonie (souvent fournie par les mariés sous forme de kippot personnalisées)
- Costume ou tenue habillée
Femmes :
- Tenue modeste recommandée (épaules couvertes, longueur au genou)
- Éviter les robes trop longues (souvent réservées à la mariée)
- Dans les synagogues orthodoxes, les femmes sont séparées des hommes
À noter : Les codes varient considérablement selon que la communauté est orthodoxe, traditionaliste ou libérale. En cas de doute, demandez aux mariés.
→ Comment s'habiller pour un mariage ?
Budget et organisation
Coûts indicatifs
| Poste | Fourchette |
|---|---|
| Rabbin et cérémonie | 200-600€ |
| Ketouba calligraphiée | 100-500€ |
| Location houppa | 100-300€ |
| Frais synagogue | 100-300€ |
| Kippot personnalisées | 2-5€/pièce |
Total cérémonie : 400-1 500€ (hors réception)
Checklist d'organisation
12 mois avant
- Contacter le rabbinat
- Vérifier les documents de judéité
- Réserver le rabbin et le lieu
6 mois avant
- Choisir et commander la ketouba
- Désigner les témoins
- Commencer la préparation avec le rabbin
3 mois avant
- Commander les kippot personnalisées
- Organiser la houppa
- Planifier le badeken et le yihoud
1 mois avant
- Fournir le certificat de mariage civil
- Répétition avec le rabbin
- Préparer les sept bénédictions (qui les récite ?)
Ce qu'il faut retenir
Le mariage juif est une cérémonie riche en symboles qui lie deux personnes sous la houppa à travers un contrat (ketouba) et des bénédictions millénaires. Il requiert que les deux époux soient juifs et dure 20 à 40 minutes.
Les éléments clés : le badeken (voilage), les 7 tours, l'échange de l'alliance, la lecture de la ketouba, les sheva brachot et le bris du verre concluant sur "Mazal Tov !".
Sources
Footnotes
-
Consistoire central de France — statistiques annuelles des mariages religieux juifs (estimation 2 500-3 500/an). ↩